Dring, dring, coup de fil en soirée.
‘’Brice ?, c’est Jean-Paul ! Qu’est ce que tu fais samedi prochain ?’’ Brève hésitation….venant de Jean-Paul, je sens le plan galère à plein nez, alors, pour préserver mes chances de m’en sortir, je réponds lâchement : ‘’Ça dépend !?’’
-‘’L’ARSIP est invité par la fédération de Navarre de Spéléo à faire la traversée Lépineux-Verna….T’es libre ?’’……
La réponse ne se fait pas attendre : Ouii ! Et en plus ce sera le jour d’anniversaire de mes 40 ans!
Quelques jours plus tard, après avoir changé mes longes….et préparé le matériel photo :
Samedi 17 juillet 2010, le brouillard et la bruine sont présents sur Ste-Engrâce au moment où nous laissons la voiture pour la navette, alors qu’au niveau du col de la Pierre St Martin, les nuages se déchirent lentement pour nous laisser deviner le veilleur du massif, le pic d’Anie.
Pour une fois à l’heure, on se retrouve à 4 avec Cécile, Jean-Paul et Cyril au col de la Pierre St Martin. On est rejoint rapidement par une trentaine de spéléo de la Fédération de Navarre de Spéléologie sous la houlette de Jose Javier Zubicoa, responsable de cette sortie.
On a droit à un petit briefing. Le puits Lépineux a été équipé quelques jours auparavant par leurs soins. Des équipes de 4 à 6 vont s’échelonner régulièrement pour éviter les attentes inutiles. D’office, on nous met le numéro deux dans le dos. En attendant la descente, on se fait chambrer facilement sur la coupe du monde de football qui vient de se terminer, mais on s’en moque pas mal, on est là pour descendre dans la légende de la Pierre St Martin !
Depuis une semaine, je ne peux m’empêcher de me remémorer les récits de Tazieff, Atout, Casteret et compagnie sur la découverte et l’exploration fabuleuse de ce puits qui, à l’époque, était considéré comme la plus grande verticale souterraine.
Les plateformes de -80 et -230m, les volumes, les chutes de pierres, le filet d’eau qui vous glace tout le long de la descente et la chute de Marcel Loubens sont bien présents dans nos têtes.
Finalement, on apprend que les plateformes de -80 et -230m ont été sécurisées par des grillages, et que, normalement il n’y aura pas de chute de pierres puisque l’on ne pose pas les pieds sur ces plateformes, qu’on évite facilement le maigre filet d’eau qui apparaît vers -200m, et que le câble de 1952 été remplacé par une corde de 9mm et 27 fractionnements ! Autre surprise, le puits a été ré équipé et descendu en 1991, toujours par les espagnols ! D’ailleurs, de nombreux amarrages sont des goujons de 10 avec plaquette ‘’longlife’’ de cette époque !
Une fois notre tour venu, nous approchons vers l’entrée bétonnée, misérable et hideuse qui est censée empêcher je ne sais quelle catastrophe ? Je franchis la porte métallique comme un croyant pénètre dans son lieu de culte avec beaucoup de déférence, par contre j’évite de me signer ou de laisser mes bottes à l’entrée, ça pourrait encore servir !
Malgré toutes les photos vues et revues des expéditions des années 50, on ne reconnaît pas le site ! Un escalier en béton suivi d’un ressaut de 2 mètres donne sur une plateforme en épais madriers de bois. A l’extrémité de ce plancher, une ouverture carrée surplombée de poutres métalliques montre la voie ! Nous sommes au fond de la doline d’entrée ! Le gouffre s’ouvre sous ces poutres vermoulues et branlantes.
Honneur aux femmes, Cécile s’engouffre, sans jeu de mots, la première, suivit de Jean-Paul et de Cyril. Ils ont chacun avec eux un flash suspendu sur le côté pour essayer de faire quelques photos.
Dés le début, nous entendons l’équipe espagnole qui se trouve sous nous, alors on décide de descendre au ralenti pour profiter au maximum du moment !
Pour effectuer les photos, j’ai la chance de descendre le dernier de l’équipe ! Je profite pleinement des volumes et dès que je le peux, je sors l’appareil photo. Les flashs asservis par les cellules infrarouges partent à coup sûr et crépitent dans cette ‘’tour Eiffel’’ souterraine.
Vers -40m, le puits prend des proportions grandioses, mais on s’écarte rapidement de cette ligne de descente pour éviter la fameuse plateforme de -80m. Les fractionnements se suivent rapidement, il n’y a pas de grande longueur, la plus grande faisant 40m. Sur la plateforme de -80m subsiste juste une chèvre métallique qui servait à écarter le câble.
Par endroit, on voit les profondes tranchées laissés par les câbles lors des premières explorations ! On ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour tous les explorateurs qui, tel des cochons pendus, se laissaient descendre ou remonter pendant des heures dans cet univers minéral!
Les éclairages leds puissants nous permettent de profiter pleinement de la perspective.
De -100 à -230m, nous dégringolons dans un tube de 5 à 7m de diamètre. Nouvelle plateforme sécurisée par un grillage, on se décale un peu pour éviter une petite arrivée d’eau, et la descente reprend pour la dernière ligne droite jusqu’au plafond de la salle Lépineux. Le puits garde la même physionomie mais le diamètre est bien moins important.
A force de prendre son temps, nous sommes rattrapés par l’équipe qui est partie derrière nous, alors on donne un dernier coup de collier sans oublier bien sûr de déclencher l’appareil photo !
Dernier fractionnement les jambes dans le vide, dessous, les grands volumes nous attendent.
La ballade se termine tranquillement dans les grandes salles en faisant quelques photos, quelques glissades presque sans gravité… pour finir dans le son et lumière de la salle de la Verna !
Cela fait environ 6 heures que nous sommes sous terre à profiter de cet instant qui paraissait inimaginable il y a encore 15 jours, et pourtant nous sommes bien là, où la chaîne de l’exploration souterraine de la Pierre St Martin a débuté grâce aux premiers maillons il y a de cela plus de 60 ans !
Ca donne vraiment envie, encore merci de ce partage!